Située sur l’un des motu entourant la ravissante Taha’a, la ferme perlière Champon est une institution, un incontournable des excursions lagon. Chaque jour, des dizaines de touristes franchissent son seuil, avides de découvrir les secrets d’un processus de fabrication que beaucoup ignorent. Bien décidée à braver les éléments pour vous conseiller au mieux, c’est sous une pluie battante que l’équipe de Moana Voyages s’est rendue sur place. On vous l’accorde, il y a pire refuge…
Initialement fondée par Bernard et Monique Champon, la ferme est aujourd’hui en partie reprise par leurs enfants Aymeric et Maeva qui nous accueillent vêtus d’un charmant ciré. La visite débute par une démonstration de greffe, suivie d’explications concernant le processus et la classification des perles.
Si mère nature fait généralement bien les choses, il faut bien admettre qu’elle a parfois besoin d’un petit coup de pouce… En effet, on estime que les chances de trouver une perle naturelle en ouvrant une huître sont d’1 sur 15 000.
Aussi, si la perle noire est une création incontestablement polynésienne, ce sont deux japonais qui furent les instigateurs de la culture perlière au début du XXe siècle, les variations de couleurs d’un continent à l’autre proviennent de la variété d’huître utilisée.
Ouvrez grands les yeux et lisez bien ces instructions – vous pouvez toujours essayer de les reproduire à la maison mais vos chances de réussite sont minces… Pour créer une perle noire, il vous faut d’abord vous munir d’une huître mais pas n’importe laquelle ; ici en Polynésie, on fait appel aux pinctada margaritifera pour porter en leur sein les précieux bijoux qui orneront notre corps.
Maintenant que nous avons notre mère porteuse, il nous faut sélectionner notre donneuse : la nacre qui va donner sa couleur et son intensité à la perle. Pour cela, il faut se munir d’un peu de patience et de dextérité : on entrouvre délicatement les huîtres une à une et on en examine les nuances à l’aide d’un petit miroir (un peu comme un dentiste…), ouvre grand petite huître ! Les tonalités présentes sur la nacre se retrouveront généralement sur la perle.
Ça y est, vous avez trouvé la « perle » rare ?
Maintenant il est temps de procéder à la greffe, c’est l’étape la plus cruciale. Tout d’abord, il faut faire une incision dans le manteau de l’huître donneuse, c’est-à-dire l’organe qui produit la nacre, situé à l’intérieur de la coquille. On en prélève de petits morceaux appelés « greffons » que l’on dépose autour d’un nucleus. Vous vous doutez bien que pour donner à la perle sa forme arrondie, il nous faut un nucleus le plus rond et le plus lisse possible. Aussi, à la ferme Champon, on les fait venir de loin… Ces billes sont conçues à partir du remodèlement de coquilles de « petits marins d’eau douce » : des bivalves du Mississipi.
C’est parti : 1 Mississipi, 2 Mississipi, 3 Mississipi… Vous vous êtes assoupi ??
On entrouvre délicatement l’huître d’environ 1,5cm afin de ne pas lui froisser un muscle, et on introduit ensuite le nucleus et son greffon dans la gonade de l’huître, son organe reproducteur. Si tout se passe bien, les cellules vont se multiplier et former un manteau autour du corps étranger, c’est ce que l’on appelle le sac perlier (merci Jamie !).
L’huître va sécréter des couches de nacre qui vont recouvrir le nucleus et former la perle. On referme l’huître et on la place charnière vers le haut afin d’éviter que le nucleus ne se déloge et ne glisse sous l’effet de son poids. Il faut alors laisser faire le temps… Après deux ou trois ans, une fois qu’elle a atteint 12cm minimum, l’huître est sortie d’eau, détachée de son chapelet et stockée sur une barge.
Parfois, il arrive que la nature nous surprenne… Lorsque l’homme intervient pour insérer le nucleus et son greffon à l’intérieur de la gonade, il arrive que l’huître rejette le nucleus et ne conserve que le greffon. Ce dernier va alors s’enrober de couches de nacres successives et former ce que l’on appelle un keshi. Contrairement aux perles, il est presque exclusivement composé de nacre et, bien qu’il ne soit pas rond, il est très prisé. Aujourd’hui, il fait l’objet d’une régulation et on estime qu’il faut deux ans pour obtenir un joli keshi.
Le mabe, quant à lui, est une demi perle de culture. Le nucleus hémisphérique est introduit sous le manteau et collé à la coquille, de sorte que l’huître va le recouvrir de nacre. Le processus consiste ensuite à le découper, en extraire le noyau et remplir la cavité avec de la résine.
Si ces petites huîtres sont très productives, c’est parce qu’on les dorlote à la ferme… Tout d’abord, elles sont greffées durant l’hiver austral afin de leur éviter un stress supplémentaire et de garantir une meilleure qualité des perles.
Ici, rien n’est laissé au hasard, la qualité prime sur la quantité. Si l’épaisseur minimale de nacre exigée pour l’exportation est fixée à 0.8mm, on préfère les garder un peu plus longtemps au chaud, dans les profondeurs du Pacifique.
En outre, la ferme est orientée vers le développement durable et la préservation de l’environnement. Contrairement à de nombreuses structures, cette dernière favorise le nettoyage naturel des huîtres au nettoyage manuel, qui nuit à l’environnement. Chaque jour, de petits poissons s’affairent à débarrasser les huîtres de leurs parasites afin que les perles puissent grandir en toute quiétude.
Aussi, si le lagon de Taha’a est propice à la perliculture, l’élevage est limité afin de ne pas perturber l’écosystème naturel. Les huîtres grandissent au milieu de vingt hectares afin d’évoluer dans des conditions optimales, de bénéficier de tous les nutriments et de l’oxygène dont elles ont besoin pour grandir.
Il est préférable de monter sa ferme perlière sur pilotis, au milieu de lagon, entre 7 et 8m de profondeur, là où la qualité de vie des huîtres est meilleure. En effet, aux abords du rivage, l’eau stagne et se réchauffe sous les rayons du soleil, ce qui nuit à la santé de l’huître et à la qualité de la perle.
Contrairement à beaucoup d’autres, les membres de la ferme Chapon ont choisi de plonger en apnée afin de surveiller et récupérer les huîtres, au lieu de les remonter à la surface.
Délicate et fragile, la perle de Tahiti peut se conserver des années et se transmettre de génération en génération, à condition de l’entretenir. A l’instar de toutes les gemmes, elle ne supporte pas le contact de produits chimiques, qui agressent sa surface et ternissent son lustre. Il est donc conseillé de la tenir à l’écart de déodorants, parfums et autres solvants.
Si vous vivez dans un endroit sec, les couches de nacre peuvent être amenées à se désolidariser, c’est pourquoi il faut poser un verre d’eau à côté. En milieu humide, au contraire, des moisissures pourraient se développer. Tout est une question d’équilibre, il est préférable de conserver la perle dans un endroit tempéré : la salle de bain est un bon compromis.
Enfin, pensez à nettoyer régulièrement votre perle avec un chiffon en coton humide avant de l’essuyer.
Vous vous demandez probablement ce qui explique les différences de prix d’une perle à l’autre. En vérité, si chaque perle est unique, elle répond néanmoins à une classification officielle du ministère de la perliculture.
Tout d’abord, il y a la qualité de la perle, son aspect, son lustre.
Top GEMME : perle hors classe, parfaite, au lustre excellent
Catégorie A : Surface sans imperfections sur 90 % avec un superbe lustre
Catégorie B : Surface lisse sur 70 % avec un bon lustre
Catégorie C : Surface lisse sur 40 % avec un lustre moyen
Catégorie D : Lustre faible, légères imperfections sur plus de 60 %. Elles ne sont souvent pas commercialisées
Ensuite d’autres critères permettent de définir le prix d’une perle telles sa couleur de base et ses teintes secondaires. Enfin, outre son diamètre et son poids, la perle est classée en fonction de sa forme : qu’elle soit ronde ou semi-ronde, cerclée, semi-baroque ou baroque.