Ce mois-ci, nous avons décidé de relayer un article de nos collègues de Aremiti Magazine, si vous désirez lire la revue dans son intégralité, c’est par ici.
Le centre culturel et artistique Arioi, coup de coeur de cette édition, nous ouvre ses portes pour une rencontre entre tradition et modernité.
Accueillis chaleureusement par Hinatea et Laura, nous y découvrons un lieu d’échange, une équipe passionnée et l’illustration bien vivante et bienveillante de la transmission culturelle et de l’expression artistique sur nos îles.
Avec sa salle de danse, son paepae, son fa’a’apu, ses salles de cours, sa cuisine et son entrée jonchée de savates multicolores, ce lieu soigneusement agencé et décoré est avant tout un espace de partage, une maison de famille. Ce marae des temps moderne s’inscrit dans une philosophie de vie et de vivre ensemble.
Des valeurs que l’on retrouve à tout moment sur place. Nous observons rapidement des enseignantes que les enfants appellent taties, des membres de l’équipe ou de l’association toujours affairés à la vie du lieu, des adolescents aidant les plus petits, le tout dans le respect des autres et la bienveillance. On y trouve aussi l’intérêt de disciplines interdépendantes, pour le plus grand plaisir de prendre un cours de danse, en intégrant les notions de reo tahiti, toere et légendes associées.
“Ce projet est motivé par l’envie d’offrir aux générations de demain la possibilité de connaître et comprendre leur identité polynésienne ainsi que l’importance de remettre les enjeux modernes (environnement, santé, alimentation, culture,…) en conscience au centre de la transmission, nous partage Hinatea.”
En 2016, Hinatea et son conjoint Moeava obtiennent l’autorisation de louer ce bâtiment communal à Papara, et créent leur association.
L’idée, qui a germée depuis longtemps dans le coeur du couple, devient ainsi possible grâce à l’école de danse de Hinatea, qui vient porter le projet financièrement, mais aussi grâce au talent de Moeava qui rénove les lieux pour en faire un espace accueillant et polyvalent.
Le cadre associatif permet au centre culturel et artistique Arioi de partager sa vision transversale, multidisciplinaire et multi-générationnelle de la culture. Il permet également aux prestataires dispensant les cours d’avoir un lieu et un espace communautaire à leur disposition.
“Le coeur battant de nos projets c’est le Centre Culturel ‘Arioi, une association à but non lucratif qui propose des activités en périscolaire aux enfants et aux adultes de la commune de Papara, où nous prônons une mixité sociale totale ! 60% des effectifs du centre proviennent des quartiers défavorisés de Papara et des environs, la culture n’est pas une question d’élite” prône Hinatea. “Mais les subventions communales, nous permettant d’ouvrir l’accès à tous, ont été supprimées. Nous devons donc trouver d’autres solutions.”
Lors d’un déplacement au Japon pour donner des cours de danse, Hinatea a alors l’idée de faire le lien entre l’engouement pour notre culture à l’étranger et les difficultés locales à financer l’accessibilité à tous. L’entreprise sociale et solidaire, Arioi Experience est donc créée, permettant de reverser 10% de ses fonds à l’association et donnant ainsi aux enfants, quelque soit leur milieu social, un accès à la culture.
Arioi Expérience, offre aux touristes et aux habitants de Tahiti, l’opportunité de “découvrir ou redécouvrir les richesses de la Polynésie de manière authentique au travers des traditions, de la culture et du peuple”.
Sont donc proposées des immersions totales dans la culture polynésienne sur la journée ou la demi-journée, permettant de se familiariser au travers de l’histoire et des techniques à la langue, à la culture et aux légendes avec des ateliers de tressage, de confection de tapa, de cuisine et d’agriculture. (Retrouvez page XX notre Arioi Expérience ! )
Depuis l’année dernière, dans la même démarche de lien entre tradition et modernité, le centre Arioi ouvre son champs au numérique en développant une plateforme de cours en ligne.
Cet outils mettant à disposition des cours gratuits et payants, permet ainsi d’ouvrir encore davantage l’accès aux techniques et savoirs culturels pour le plus grand nombre. Un nouveau projet plein de sens pour ce centre qui montre encore une fois sa capacité à faire vivre et transmettre la culture dans notre contexte moderne.
Situé à Papara, le centre culturel et artistique ‘Arioi est une réelle et fabuleuse aventure humaine menée par un couple, Hinatea et Moeava, tous deux passionnés par la culture traditionnelle. Au fil des années, ils se sont entourés de « sachants » eux-aussi passionnés par les pratiques et les savoirs traditionnels polynésiens et surtout, par le désir de les transmettre. D’une passion, ils ont fait leur profession…
Pour ma part, au-delà d’une expérience me permettant de renouer avec des savoirs ancestraux, il s’agissait d’une quête identitaire et spirituelle. Je fais partie de cette jeune génération polynésienne qui ressent un besoin irrépressible d’expression et d’épanouissement dans le domaine culturel. Encore faut-il pouvoir s’identifier à sa propre culture et revendiquer avec fierté une appartenance au peuple ma’ohi. La culture implique d’accepter le poids de l’histoire, de se référer au passé et surtout de renouer avec celui-ci. Pour cela, elle suppose de prendre du recul par rapport aux événements, aux hommes, aux rites et aux choses. Or, le rapport de chaque polynésien à son passé, à son héritage et à sa culture est différent. Depuis quelques années déjà, on observe un engouement croissant pour la culture ma’ohi : la danse traditionnelle, le tatouage, le va’a, l’artisanat, etc. Un engouement qui dépasse largement nos frontières.
Cet intérêt pour le passé, les rites ancestraux…est né d’un besoin d’épanouissement personnel, survenu lors de mes études en métropole. Polynésienne “métisse” à la peau claire, j’ai construit en partie mon identité culturelle à travers le regard des autres, des étrangers, faisant émerger en moi un sentiment de fierté retrouvée. J’ai résolument pris conscience de ce précieux héritage culturel transmis notamment par mes grands-parents à Taha’a.
Danse, pratiques traditionnelles, percussions…découvrez à travers cet article la Polynésie d’antan, héritière d’une culture riche et vivante, en espérant avec humilité que le mana se ressentira dans ma plume… Un ‘orero (l’art déclamatoire) rythmé aux sons des pahu (tambours) et du pū (conque marine) en guise de cérémonie d’accueil marque le début de mon immersion dans l’expérience Marotea. Pour symboliser cet accueil traditionnel, un collier de feuilles de ‘auti vert m’a été offert. D’emblée, Hinatea nous rappelle les origines et l’importance de cette plante omniprésente dans la culture traditionnelle. Les feuilles de ‘auti ont de multiples propriétés et plusieurs utilisations. Celles de couleur verte ont des vertus sacrées et spirituelles. Autrefois, elles étaient utilisées pour des incantations et cérémonies religieuses sur les marae. Hinatea nous invite donc à respecter cet ornement. Dans son célèbre ouvrage “Tahiti aux temps anciens” Teuira HENRY relate que « les longues feuilles brillantes, d’un beau vert ou d’un jaune éclatant, étaient portées par les orateurs, les guerriers et les sorciers dans l’exercice de leurs fonctions ».
Hinatea nous invite à poursuivre par la visite du centre et la présentation de l’équipe ainsi que des activités culturelles auxquelles nous allons être initiés. Durant ces échanges, la passion de ces détenteurs des savoirs ancestraux sublimait et honorait cet héritage culturel.
Cette pratique ancestrale commence par le choix d’une essence de bois : le aute ou mûrier à papier, le uru ou arbre à pain, le ora (une variété de banyan) et le mati. L’essence de bois est choisie en fonction de la taille souhaitée, de l’utilisation du tapa, de la couleur et la texture souhaitées. Aujourd’hui, nous utiliserons les racines de ora récoltées sur les terres de Hinatea et Moeava situées non-loin du centre. Terangi nous livre tous les secrets de cette étoffe… Le tapa occupait une place prépondérante dans la société tahitienne d’autrefois en raison de son origine divine attribuée à la déesse Hina, mère du dieu ‘Oro et à ses multiples utilisations : vêtements sacerdotaux, étoffes enveloppant les dieux sur les marae, don matrimonial, linceul, etc.
La première étape de sa fabrication consiste à lisser le bois en pelant l’écorce externe à l’aide d’un coquillage particulièrement aiguisé. Puis, je réalise une fente dans le sens longitudinal du bois, avec le même outil, afin de procéder à l’écorçage, une étape qui consiste à soulever le liber (l’écorce interne). Cette partie est alors mise à tremper dans l’eau afin d’assouplir l’écorce et de la rendre plus malléable.
Pendant ce temps, je me familiarise avec Terangi à l’histoire du tapa et aux outils nécessaires au battage de l’écorce :
– le i’e : le battoir taillé dans du bois de ‘aito (bois de fer). Ses quatre faces sont ornées de stries longitudinales plus ou moins serrées et utilisées à différentes étapes du battage.
– le tutua : l’enclume taillée dans un tronc d’arbre au bois très résistant pour supporter les coups du battoir.
En tailleur devant mon tutua, je me mets à battre l’écorce avec le côté qui dispose des rainures les plus profondes afin de dégrossir les fibres et d’assouplir l’ensemble. Pour cela, l’écorce est placée sur le tutua de manière très méthodique pour la travailler dans le sens des fibres. Les premiers coups du battoir sont les plus forts et les plus intenses, faisant vibrer mon bras et déplacer mon tutua. Je me repositionne et continue soigneusement le battage de mon tapa.
Bang, bang, bang, le sourd martèlement des battoirs me rappelle le village de Omoa à Fatu-Hiva. Un art traditionnel particulièrement préservé sur cette île où les coups de battoirs des femmes fabriquant du tapa sur des kiva (billot en pierre basaltique rectangulaire) résonnent encore aujourd’hui…
Au fur et à mesure de l’opération, j’utilise les faces du battoir aux stries les plus fines pour terminer par la plus lisse. L’écorce étant aplatie, élargie et souple, je la personnalise en y laissant les empreintes définitives du battoir. Mon tapa est achevé, je l’expose au soleil pour le sécher. Je suis alors émerveillée par la couleur brun-rouge du ora et des empreintes laissées par le i’e.
La confection du tapa est une tâche laborieuse et éprouvante dont se chargeaient autrefois les femmes dans un vacarme assourdissant. Je ne peux qu’être admirative de ces héritières, dont notamment les femmes de l’île de Fatu-Hiva, garantes de ce savoir-faire et qui œuvrent encore aujourd’hui pour la préservation de cet art menacé
L’expérience Marotea se poursuit par la découverte des percussions traditionnelles. Premier instrument en main, le pū, une conque marine issue d’un mollusque dans laquelle une ouverture est pratiquée sur le côté pour produire des sons puissants en soufflant énergiquement. Autrefois, cet instrument était utilisé par les guerriers pour des appels lointains en mer ou pour convoquer la foule lors des fêtes ou cérémonies religieuses sur les marae. Je positionne mes lèvres au niveau de l’ouverture, je gonfle fièrement mes poumons et…….un son sourd comme un étranglement jaillit du pū. Un échec !
Qu’importe, je continue par le vivo, une flûte nasale taillée dans un morceau de bambou dont la sonorité est légère, envoûtante et mélancolique. Une sonorité que j’affectionne particulièrement. Dans son ouvrage cité plus haut, Teuira HENRY apporte une description claire et précise de cet instrument : « Le vivo, ou flûte nasale, était le plus harmonieux des instruments en usage… On ne jouait pas de cette flûte avec la bouche mais avec le nez. Le musicien plaçait généralement le pouce de la main droite sur sa narine droite, appliquait l’ouverture de la flûte, qu’il tenait avec les doigts de la main droite à l’autre narine et, déplaçant ses doigts sur les trous, produisait sa musique. Le son était doux et agréable…généralement joué sur un ton plaintif ». Au premier abord, la pratique me paraît simple et réalisable. Je positionne le vivo, j’insuffle par ma narine droite dans le trou situé à la tête de la flûte, tout en me bouchant l’autre narine. C’est dans la gestion du souffle que tout se complique…malgré mes nombreuses tentatives, aucune sonorité n’émanait du vivo. Quelle déception…
Mon ultime espoir, le to’ere. Instrument polynésien par excellence, c’est un tambour sans membrane taillé dans une simple bille en bois. Originaire des îles Cook, sa fabrication est artisanale et nécessite une parfaite maîtrise du bois associée à une « bonne oreille ». Muni d’une baguette fabriquée en ‘aito, le to’ere posé verticalement à terre devant moi est en miro (bois de rose). Tenant fermement le to’ere par la main gauche, avec la droite je frappe successivement avec la baguette : Pahae, Ami, Peipei, Toma. Le to’ere est un instrument capable de sonorités modulées selon l’habileté des musiciens et le son souhaité : TA, TATA, TARA, TI, TIRI. Enfin, je parviens à dompter un instrument traditionnel sur trois ! Et je me suis découvert une réelle passion pour le to’ere !
L’initiation aux activités traditionnelles se termine la danse, ‘ori tahiti, une pratique ancestrale qui incarne de nos jours le mieux l’identité culturelle tahitienne. Nous nous sommes tous réunis dans la grande salle, un pareu noué autour des hanches, le sourire aux lèvres pour exécuter un ‘ote’a. Les genoux fléchis, les pieds serrés, le dos droit, l’initiation démarre par le tā’iri tāmau, un déhanchement de la gauche vers la droite, la pointe des pieds collée au sol autant que possible. Puis, nous poursuivons par le fa’arapu, un mouvement rapide de rotation du bassin et enfin, le varu, un déhanchement en forme de huit horizontal. Aux sons des to’ere, nous nous déhanchons tout doucement…puis, de plus en plus rapidement, faisant accélérer mon rythme cardiaque ! Mon sourire est très vite remplacé par des inspirations et expirations rapides et répétées. Oui, je l’avoue, je suis une néophyte du ‘ori tahiti mais quelle expérience délicieuse !
Mon immersion s’est terminée par un savoureux ma’a tahiti traditionnel, c’est-à-dire sans introduction de produits et légumes « importés » comme la farine de blé, l’amidon, le chou, etc. Un pur délice pour les papilles : du poisson cru au lait de coco et au re’a tahiti (curcuma), un écrasé de taro et de patate douce au lait de coco, du poisson frit parfumé au re’a tahiti… Un moment de partage et de convivialité agrémenté de discussions intéressantes et inspirantes autour de la culture et de sa diffusion avec Laura, l’associée de Hinatea.
Soyons fiers de nos richesses, de nos valeurs et de notre culture ! Māuruuru roa ‘Arioi Experience.
– TOUT !
– La philosophie du centre et sa raison d’être
– La passion troublante et contagieuse de l’équipe
– Le ma’a tahiti traditionnel et la redécouverte des produits locaux
– Les pauses boissons (sans alcool et à volonté) et une collation de fruits frais de saison.
V.M
Centre culture et artistique ‘Arioi
PK 33,900 côté montagne – Papara – Tahiti
https://www.arioi.pf/fr
Arioi Experience – Tahitian Culture Workshops
@arioiexperience
+689 87 76 63 63
shop@arioi.pf
Source et crédit photo: Aremiti Magazine